Photo All Of Us Are Dead (Netflix, 2022)

Critique : All Of Us Are Dead, l’Apocalypse aux portes du lycée

Ultra gore, intelligente et étonnamment émotionnelle, la série All Of Us Are Dead est assurément l’un des meilleurs thrillers de zombies de ces dernières années.

Des milliers de zombies assoiffés de sang, des lycéens coincés dans leur école et des militaires prêts à sacrifier des civils pour sauver le plus grand nombre. Disponible depuis le 28 janvier sur Netflix, la série All Of Us Are Dead ne manque pas d’ambition, qu’il s’agisse de la mise en image de l’action, époustouflante de bout en bout, ou de son scénario catastrophe utilisé pour ausculter le mal-être d’une jeunesse qui se sent abandonnée par les adultes. Au milieu de ces effusions d’hémoglobines, All Of Us Are Dead nous fait vivre des émotions intenses aux côtés d’une bande de jeunes interprétés par un casting d’ensemble très attachant.

Un lycée en quarantaine

La Corée du Sud n’en est pas à son coup d’essai avec les zombies. Mieux. Depuis le film Dernier Train Pour Busan (Yeon Sang Ho) en 2016, le Pays du Matin Calme est en train de donner un nouveau souffle au genre avec des productions enthousiasmantes. Il y a eu Kingdom et ses zombies en hanbok, Dark Hole et ses mutants, mais aussi Happiness et ses monstres confinés dans un immeuble. Aujourd’hui, All Of Us Are Dead propose une nouvelle lecture du genre en plantant son décor dans un établissement scolaire. Les personnages principaux ne sont ni des enfants ni des adultes. Juste des ados confrontés à la fin du monde.

Le premier épisode d’All Of Us Are Dead dresse un tableau ambivalent de la vie au lycée. Sous l’œil indifférent des professeurs, le harcèlement scolaire est un jeu quotidien pour les délinquants, qui martyrisent les plus fragiles et humilient les filles. Les élèves les plus insouciants, comme On Jo (Park Ji Hoo), Cheong San (Yoon Chan Young), Su Hyuk (Lomon) et leurs camarades, fréquentent leurs amis, vivent leur premier amour et espèrent avoir de bonnes notes. Et il y a ceux qui peinent à s’intégrer faute d’entrer dans le moule, comme cette déléguée de classe surdouée, Namra (Cho Yi Hyun), que tout le monde ignore.

Yoon Chan Young et Park Ji Hoo

La pandémie provoque un séisme dans ce monde cloisonné. Une élève est victime d’un malaise et mord sauvagement le personnel infirmier. Bientôt, un virus inconnu contamine lycéens et professeurs pour les transformer en zombies. En un rien de temps, les jeunes gens sont livrés à eux-mêmes face à un déchaînement de violence inouï aux relents cannibales. Lorsque l’armée met toute la zone de Hyosan en quarantaine, les lycéens se retrouvent coupés du monde.

Scènes d’action dantesques

Réalisé par Lee Jae Kyu (The King 2hearts) sur un scénario de Chung Sung Il (L.U.C.A.: The Beginning), le drama All Of Us Are Dead s’inspire du webtoon Our School Now de Joo Dong Geun, publié sur Naver entre 2009 et 2011.

Bonne nouvelle, Lee Jae Kyu assume pleinement le genre du thriller zombiesque en offrant du gore à foison, avec des créatures bien répugnantes comme il faut – et toutes différentes – grâce à un habile mélange entre effets digitaux et maquillages traditionnels, qui confère au drama l’esthétique organique attendue du genre.

Quant à la mise en scène de l’action, elle est tout simplement incroyable. Il faut voir le massacre du réfectoire au début de l’épisode 2, un plan-séquence de près de 3 minutes au cours duquel des dizaines d’élèves deviennent les proies d’une horde de zombies enragés. Les lumières et les mouvements de caméra sont d’une propreté irréprochable et la gestion de l’espace impressionnante eu égard à la complexité du décor et à l’ampleur de cette panique collective.

Et ce n’est que le début. Le drama All Of Us Are Dead est ponctué tout du long de scènes d’action dantesques. Immersives et rivalisant d’intensité, ces moments sont savamment disséminés tout au long de la série et font preuve d’une inventivité des situations réjouissante. Utilisant tous les éléments de décors à leur disposition, les lycéens de Hyosan font travailler leur imagination débordante pour s’extraire de situations a priori inextricables.

Du barrage dans la salle de classe à la forteresse improvisée dans le gymnase, on n’est pas près d’oublier les concepts rocambolesques des scènes d’évasion, qui donnent lieu à des images visuellement saisissantes.

Lomon

Cruel passage à l’âge adulte

Sur le plan du scénario, All Of Us Are Dead comporte bien quelques longueurs ici et là – certaines discussions entre les lycéens auraient pu être écourtées, tout comme les vidéos du scientifique fou (Kim Byung Chul) – mais la maîtrise de la narration est indéniable. L’histoire a le mérite de ne pas s’égarer dans des sous-intrigues inutiles et de délivrer des émotions fortes jusqu’au bout.

Les héros de la série se trouvent à cet âge difficile où l’on se sent tiraillé entre le monde de l’enfance et celui des adultes. Obligés de prendre des décisions radicales pour leur propre survie et celle du groupe, ils vont apprendre à se méfier de leur prochain, mais aussi – et c’est peut-être là le plus difficile – à faire confiance aux autres. Ils devront aussi s’en sortir sans l’aide des parents, dont certains périssent en voulant sauver leur enfant par eux-mêmes faute de recevoir l’aide des autorités. All Of Us Are Dead est l’histoire d’un cruel passage à l’âge adulte, celui d’une jeunesse hantée par ses problèmes d’adolescence et qui peine à se projeter dans l’avenir.

Au milieu de ce chaos, les personnalités se révèlent, les amitiés se resserrent et les sentiments amoureux se déclarent. A la manière d’un drama de lycée, All Of Us Are Dead ébauche quelques histoires sentimentales à double sens ou à sens unique. A ceci près que les personnages se trouvent en danger de mort imminente. C’est ainsi que le moindre geste d’affection, la moindre épaule offerte pour pleurer, prend un sens beaucoup plus profond.

La force d’All Of Us Are Dead est de faire poindre, dans cette ambiance infernale, une lueur d’espoir grâce à l’entraide et la collaboration qui se développe au sein de la bande d’On Jo et de Cheong San. Cette solidarité s’oppose à la froideur qui gagne le groupe de militaires en charge de la gestion de crise, et dont les débats aboutissent à des décisions dénuées d’humanité.

Pour Yoon Chan Young, Cho Yi Hyun et Yoo In Soo

Révélé dans Still 17 et revu entre-temps dans Nobody Knows, Yoon Chan Young s’affirme une fois de plus comme l’un des talents indispensables de sa génération dans le rôle de Cheong San. Son regard mélancolique offre un contraste intéressant avec son agilité dans l’action – l’adrénaline de Cheong San fonctionne à plein régime en situation de danger. Son jeu naturel et sans fioritures sonne vrai à chaque instant et convient parfaitement à ce personnage très direct.

Cho Yi Hyun

Découverte dans My Country: The New Age, l’actrice Cho Yi Hyun tire également son épingle du jeu dans le rôle de la déléguée. Avec son attitude posée, son regard énigmatique et sa voix particulière, elle cultive une aura de mystère autour de son personnage, qui découvre la valeur de l’amitié au contact de ses compagnons de survie.

On aime également les interprétations convaincantes de Park Ji Hoo (Beautiful World), attachante dans le rôle d’On-Jo, de Lomon (Sweet Revenge), romantique et fougueux dans celui de Su Hyuk, et Lee Yoo Mi (Squid Game), impeccable en peste égocentrique. N’oublions pas Yoo In Soo (At A Distance, Spring Is Green), que l’on adore détester dans le rôle de l’increvable Gwin Nam – sa dégaine rappelle un peu celle, au même âge, de Shun Oguri (Crows Zero). Nous pourrions tous les citer, tant ces jeunes acteurs remarquablement dirigés participent à l’attachement provoqué par la série.

Chez les adultes, on retiendra Lee Sang Hee (A Piece of Your Mind) dans le rôle de la professeure dévouée, Jeon Bae Su (Mr. Queen) en pompier prêt à affronter tous les dangers pour sauver sa fille, Bae Hae Soon (Happiness) en députée moins cynique qu’elle en a l’air ou encore Lee Kyu Hyung (Voice 4) en policier plein de ressources et qui se transforme malgré lui en baby-sitter.

Le nouveau phénomène coréen de Netflix

Une fois n’est pas coutume, une série Netflix respecte le format classique des dramas coréens. All Of Us Are Dead s’étend ainsi sur 12 épisodes, comme bon nombre de thrillers sur les chaînes câblées coréennes. C’est une bonne nouvelle, car le format habituel des séries Netflix, qui va rarement au-delà de 6 épisodes, engendre quelques frustrations chez les amateurs de k-dramas car il ne permet pas toujours de développer les personnages comme il se doit – c’était la faiblesse de Kingdom et Hellbound.

Yoo In Soo

Lors de sa sortie, All Of Us Are Dead a immédiatement pris la tête du classement mondial sur Netflix et s’est hissé dans les tops 10 de plus de 94 pays, cumulant plus de 124 millions d’heures de visionnage en trois jours. Après le carton sans précédent de Squid Game, les séries coréennes ont décidément la cote dans le monde entier. Et le mouvement n’est pas près de s’arrêter.

Elodie Leroy

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