La rencontre entre les deux superstars coréennes dans une histoire d’amour entre un humain et une sirène ne produit pas tout fait le charme attendu. Notre critique.
Diffusé sur SBS à l’hiver 2016-2017, le drama Legend of the Blue Sea avait tout pour devenir le nouveau My Love From The Stars : la même scénariste, Park Ji Eun, la même actrice, Jeon Ji Hyun, un acteur ultra-populaire, Lee Min Ho, et un pitch fantastico-romantique convoquant la destinée. Plus qu’un conte de fées moderne, la série TV évoque un croisement fadasse entre l’excellent drama My Girlfriend is a Gumiho et le manga Mermaid Forest de Rumiko Takahashi. Un drama sous influence, donc, qui mise sur son casting vedette et sur un étalage de luxe et de glamour pour faire oublier la vacuité de son scénario.
Legend of the Blue Sea débute en 1598. Dam Ryeong (Lee Min Ho), fils d’un noble de l’ère Joseon, tombe amoureux de la sirène Se Hwa (Jeon Ji Hyun) capturée par le Seigneur Yang (Sung Dong Il), et la relâche dans l’océan. Les amoureux se retrouveront à plusieurs reprises au fil des siècles afin d’essayer de se délivrer du destin tragique qui les lie. De nos jours, Dam Ryeong s’appelle Heo Joon Jae. Il monte des arnaques avec ses complices Jo Nam Doo (Lee Hee Joon) et Tae Oh (Shin Won Ho). Obligé de fuir temporairement en Espagne après un gros coup, il rencontre par hasard la sirène Se Hwa, qui s’est réfugiée dans sa chambre d’hôtel…
La scénariste Park Ji Eun a vraisemblablement eu pour consigne de réitérer le succès de son hit My Love From The Stars – les deux dramas ont en commun un personnage projeté hors de son élément (« fish out of water », c’est le cas de le dire). Avec 17,6% de part d’audience en moyenne, elle peut se targuer d’un score honorable, mais on est loin du miracle susmentionné, en termes d’audience comme d’impact auprès du public.
Le prologue du premier épisode de Legend of the Blue Sea ressemble à une copie conforme du début de l’anime Mermaid Forest, avec ce même décor de l’île, des villageois qui trouvent la sirène échouée sur la plage et la capturent, puis discutent entre eux de son sort, du jeune homme qui est fasciné. Malgré cela, ces quelques minutes sont assez intrigantes et dégagent une agréable atmosphère de fantastique. Cela ne durera pas.
Dès qu’on saute vers notre époque, tout semble soudain très stéréotypé. On a l’impression d’avoir atterri dans une pâle copie de My Girlfriend is a Gumiho à ceci près que les héros sont moins innocents, les acteurs moins frais. Se Hwa, rebaptisée Sim Cheong, est une sorte de Miho tendance brut de décoffrage, mais on ne rit pas à ses pitreries. On ne sourit même pas. Même chose pour Joon Jae, qui est un peu le Dae Woong de service, version cynique et ennuyeux.
Au-delà des différences de qualité d’écriture entre les deux dramas, Shin Min Ah et Lee Seung Gi avaient encore quelque chose à prouver en tant qu’acteurs et leur association créait la surprise. Jeon Ji Hyun et Lee Min Ho sont des hallyu stars influentes qui ont un contrôle parfait de leur image et beaucoup de produits à nous vendre.
Vous l’aurez compris, Legend of the Blue Sea est un drama plus axé sur ses stars que sur ses personnages. On ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment d’une énorme lutte d’ego entre les deux vedettes. Tous deux sont parmi les acteurs de dramas les mieux payés et on ressent la volonté de chacun de se mettre en avant par rapport aux attentes de leurs publics respectifs.
Sassy Girl un jour, sassy girl toujours. Jeon Ji Hyun est très à l’aise dans le rôle de cette sirène en complet décalage avec son environnement. Elle joue beaucoup mieux que son partenaire Lee Min Ho, sa palette d’expressions de visage est très riche et elle sait utiliser sa voix grave à bon escient. Elle n’hésite pas non plus à se montrer disgracieuse quand la situation l’exige, notamment dans sa façon de bouger. Eu égard à ce qu’elle apporte avec son seul jeu, elle est l’atout numéro un de Legend of the Blue Sea.
Mais passée la période d’adaptation de Cheong à notre monde, Jeon Ji Hyun semble être là avant tout pour se mettre en valeur physiquement et conforter sa popularité. On ne compte plus les tenues luxueuses qu’elle porte, là où Shin Min Ah se promenait partout avec sa petite robe blanche toute simple dans My Girlfriend is a Gumiho.
Sim Cheong ne travaille pas mais produit en masse des perles à l’aide de ses larmes, dont elle se sert ensuite pour aller faire les grands magasins. Un peu lamentable comme standard de vie. Avec un tel sujet – les sirènes – on attendait plus de mystère, d’étrangeté liée à l’héroïne. Celle-ci n’existe que dans sa relation avec Heo Joon Jae, elle n’a pas de famille, d’histoire personnelle en dehors de lui.
Quant à Lee Min Ho, il fait le minimum syndical comme à son habitude. Précisons qu’il fait tout de même beaucoup mieux que dans The Heirs, son chef d’œuvre en matière de fumisterie. Sans surprise, son personnage est un énième fils illégitime de chaebol, séparé de sa mère qui l’a abandonné à son père dans son enfance, puis de ce dernier à l’adolescence à cause d’une marâtre cruelle. Heo Joon Jae a beau prendre des grands airs, c’est en réalité un homme blessé, un homme qui a pris le mauvais chemin à cause de difficultés de la vie. Du pain béni pour meubler l’esprit vide de notre héroïne.
Au final, les seules vraies bonnes scènes de Lee Min Ho sont ses échanges douloureux avec son père joué par Choi Jung Woo (Doctor Stranger) : là, son jeu semble enfin venir de l’intérieur, il se révèle un peu. Le reste du temps, il ne fait que parader ici et là en vêtements chic, et se repose entièrement sur les astuces d’illusionniste du réalisateur pour nous faire croire à ses talents d’arnaqueur professionnel. Sur ce plan, il ne tient pas une seconde la comparaison avec Seo In Guk dans 38 Task Force, qui réalise un véritable travail d’acteur, lui.
Les acteurs secondaires tirent un bon parti de personnages superficiels dans l’ensemble. On est un peu ému par le père de Joon Jae, victime aveugle – dans tous les sens du terme – d’une manipulatrice perverse très cruelle. Et puis il y a bien sûr l’inénarrable Sung Dong Il (It’s OK, That’s Love, la série des Reply), qui endosse avec une roublardise savoureuse le costume du méchant de service. Quant à Hwang Shin Hye (Passionate Love), elle est plutôt convaincante dans le rôle de l’inquiétante Kang So Hee.
Côté comédie, deux actrices sortent du lot et parviennent à nous faire rire dans leurs atours de bourgeoises ridicules. Il y a d’une part Shin Hye Sun dans le rôle de Cha Si Ah, jeune femme un peu peste mais attendrissante, qui croit à tort que le jeune Tae Oh (Shin Won Ho, de Cross Gene) est transi d’amour pour elle – elle était déjà très drôle dans un rôle un peu semblable face à Park Yoo Hwan dans She Was Pretty.
D’autre part, Moon So Ri (Une Femme Coréenne) est irrésistible dans la peau de Ahn Jin Joo, une opportuniste pédante qui se révèle plus sympathique qu’elle n’y paraît. Enfin, on retient la caméo amusante de Jo Jung Suk, qui parodie son personnage de Jealousy Incarnate, et dans une moindre mesure celle de Cha Tae Hyun, qui vient rendre visite à Jeon Ji Hyun, quinze ans après My Sassy Girl.
Caroline Leroy
Lire aussi
Uncontrollably Fond : Kim Woo Bin et Suzy dans une romance machiste