The Thieves, Big Swindle… 2 films de casse de Choi Dong Hoon

par Caroline & Elodie Leroy

De Jun Ji Hyun à Kim Soo Hyun, en passant par Lee Jung Jae et Simon Yam, The Thieves réunit un impressionnant casting de stars pour un spectacle fun et imprévisible.

The Thieves (2012)

The Thieves de Choi Dong Hoon vient-il de sauver le cinéma mainstream coréen ? Depuis la fameuse affaire des quotas de 2006, on croyait le cinéma coréen définitivement écrasé par le géant américain, ses Avatar, Transformers 3, Avengers et autres mastodontes aux budgets faramineux. Mis à part quelques fulgurances au box-office (Haeundae, War of the Arrows ou Sunny), l’ère des des records successifs, initiée en 1999 par le thriller d’espionnage Shiri, et portée au sommet par The Host en 2006 (13 019 740 entrées), semblait bel et bien révolue… Jusqu’à la sortie de The Thieves, blockbuster haut de gamme signé Choi Dong Hoon qui redonne espoir sur la capacité du cinéma coréen à mobiliser les foules, et pour de bonnes raisons qui plus est.

Pour rappel, les accords de libre-échange conclus entre les Etats-Unis et la Corée du Sud mettaient fin à partir du 1er juillet 2006 à un système de quotas mis en place en 1966 afin de protéger la production nationale. Réellement effectif depuis 1993, ce système obligeait les salles à diffuser des films coréens pendant 146 jours par an. Sous la pression des Américains, qui voyaient cette politique d’un mauvais œil depuis la fin des années 1990, le gouvernement de Roh Moo Hyun annonça en janvier 2006 que cette durée serait désormais réduite à 73 jours, portant un grand coup à une industrie de plus en plus florissante, mais dont l’envol trop récent était encore fragile. Les protestations et manifestations énergiques des acteurs et réalisateurs n’y firent rien.

A cette époque, un film d’auteur sans star venait de faire un carton phénoménal au box office coréen : The King and the Clown de Lee Joon Ik, avec Kam Woo Sung, Lee Jun Ki et Jeong Jin Young. Aujourd’hui, un tel conte de fée paraît inimaginable, même avec des stars à l’affiche. Seul Haeundae, énorme ratage artistique surfant sur la peur du tsunami, est parvenu à dépasser la barre fatidique des 10 millions d’entrées depuis The Host. De quoi perdre espoir.

A l’été 2012 sort The Thieves, film de casse réalisé par Choi Dong Hoon, l’homme derrière The Big Swindle, Tazza et surtout le blockbuster d’action fantaisiste Jeon Woo Chi. The Thieves est soutenu par un budget conséquent pour une production coréenne (environ 13 millions de dollars), et par un casting quatre étoiles regroupant plusieurs grands noms locaux (Kim Yun Seok, Jeon Ji Hyun, Lee Jung Jae, Kim Hye Soo, Shin Ha Gyun) mais aussi chinois (Simon Yam, Angelica Lee), l’intrigue nous emmenant dans les villes de Pusan, Hong Kong et Macao. Et c’est le carton tant attendu.

Quatre jours après sa sortie, The Thieves a déjà attiré plus de deux millions de spectateurs. A la fin de l’année, il est proclamé plus gros succès en salles de tous les temps en Corée – ou second plus gros juste après The Host, selon les sources. The Thieves est aussi le deuxième plus gros succès d’un film coréen en Chine depuis sa sortie début 2013, derrière Late Autumn de Kim Tae Yong avec Tang Wei et Hyun Bin. Le succès est amplement mérité.

The Thieves n’est pas un petit film d’action comme un autre, ni une version coréenne d’Ocean’s Eleven contrairement à ce que son titre et son affiche pourraient laisser croire. Le point de départ est simple en apparence mais le scénario ne l’est pas.

Les voleurs professionnels Popeye (Lee Jung Jae), Zampano (Kim Soo Hyun), Yenicall (Jeon Ji Hyun) et Chewing-Gum (Kim Hae Suk) ont l’habitude de mettre leurs talents en commun pour arnaquer de riches pigeons et monter des coups. Se retrouvant dans une situation délicate, ils décident de partir pour Hong Kong afin de rejoindre l’ancien patron de Popeye, Macau Park (Kim Yun Seok) qui est sur une piste alléchante : il s’agit de dérober un diamant d’une valeur de 20 millions de dollars à la maîtresse d’un gangster redoutable du nom de Wei Hong. Ils sont bientôt rejoints dans leur entreprise par Pepsee (Kim Hye Soo), une ancienne relation de Park sortie récemment de prison, ainsi que par des professionnels chinois (Simon Yam, Angelica Lee, Derek Tsang et Oh Dal Soo).

Bien entendu, rien ne va se passer comme prévu pour ces individus aux motivations parfois obscures. Il en va de même pour le spectateur qui croit savoir à quel genre de divertissement il va assister et qui a l’immense joie de s’apercevoir que le film dépasse ses attentes à chaque nouvelle scène.

The Thieves s’ouvre sur une séquence offrant la part belle au spectacle et à l’humour, à travers les exploits de la belle et charismatique Jeon Ji Hyun (My Sassy Girl, Daisy) suspendue à un câble au-dessus du vide. Pourtant, le ton adopté par Choi Dong Hoon durant tout le long métrage est étonnamment sobre et laisse aux personnages le temps de s’imposer.

Là où les Américains privilégient la coolitude, les punch-lines incisives et l’action tape à l’œil en veillant à ce que le tout ne comporte aucun temps mort, le réalisateur coréen introduit ses nombreux protagonistes de manière relativement classique, nous laissant le temps de saisir les raisons de leur méfiance réciproque (entre anciennes connaissances, entre générations, entre hommes et femmes, entre Chinois et Coréens) pour mieux brouiller les pistes par la suite.

Cette démarche narrative est devenue osée de nos jours dans un film de divertissement. Or elle contribue pleinement à augmenter l’impact des scènes spectaculaires qui vont suivre.

L’une des grandes originalités de The Thieves tient d’ailleurs dans son panel diversifié de personnages principaux. Le mot diversifié est pour une fois réellement approprié car Choi Dong Hoon et son co-scénariste Lee Gi Cheol prennent le total contrepied des films de gangsters ordinaires – voire des films d’action en général – en proposant à peu près autant de protagonistes féminins que masculins.

On n’y fait plus vraiment attention tant cela nous semble banal mais ce type de film, à l’instar de la majorité des blockbusters actuels, accueille rarement plus d’une actrice (deux tout au plus) dans son casting principal, celle-ci étant censée remplir deux fonctions : d’une part, permettre au spectateur de se rincer l’œil le temps de quelques plans et d’autre part, satisfaire une éventuelle accompagnatrice avec un objet d’identification passager. Les nombreux protagonistes masculins offrent à l’inverse au spectateur un grand choix d’identification, sachant que chacun d’entre eux est soigneusement pensé pour flatter l’un de ses fantasmes secrets — se rêver en cerveau du groupe, en tchatcheur de charme, en bastonneur invincible, etc.

Choi Dong Hoon met tous les protagonistes sur un pied d’égalité quelque soit leur sexe, ce qui leur confère individuellement une épaisseur inattendue et rend crédibles leurs rapprochements comme leurs trahisons, d’autant qu’il y a un soupçon de romance dans l’air.

Kim Yun Seok, l’interprète inoubliable de The Chaser, compose un Macau Park nuancé, imprévisible et teinté d’une aura de mystère fascinante. Dans la peau de son ancien amour, Pepsee, la belle Kim Hye Soo est loin d’être un faire-valoir et mène elle aussi sa barque avec détermination, l’occasion pour le réalisateur de détourner le cliché de la femme fatale.

Il récidive dans ce sens avec le personnage insaisissable de Jeon Ji Hyun, notamment lors de la scène hilarante du bar, qui la voit faire face à une situation inattendue en compagnie du jeune et charmant Kim Soo Hyun. A propos de ce dernier, il faut savoir pour l’anecdote que le casting de The Thieves s’est achevé fin 2010-début 2011, au moment où il commençait à se faire un nom avec Dream High ; c’est pourquoi son rôle ne reflète pas sa notoriété acquise début 2012 avec The Moon Embracing the Sun.

Côté acteurs toujours, Angelica Lee (The Eye) n’avait pas été aussi convaincante depuis des années et révèle une facette insoupçonnée de son jeu. On espère qu’elle poursuivra dans cette voie, sachant qu’il s’agit du premier rôle de femme d’action de sa carrière. Lee Jung Jae (The Housemaid) compose un personnage de malfrat ambigu tandis que Shin Ha Gyun (Save The Green Planet) nous gratifie d’un caméo irrésistible.

Simon Yam, lui, occupe une place un peu particulière dans le casting de The Thieves. A la fois redoutable et raffiné, il semble sorti tout droit d’un film de John Woo ou de Johnnie To, et injecte naturellement cet imaginaire au film, tout particulièrement lors des scènes délicieuses et exaltantes qu’il partage avec la vétérante Kim Hae Suk.

Ce ne sera pas la seule référence au cinéma de Hong Kong dans The Thieves puisque l’une des séquences d’anthologie du film, dans laquelle Kim Yun Seok fuit ses ennemis en évoluant le long des murs des immeubles de Pusan, n’est pas sans évoquer une scène culte de Time and Tide de Tsui Hark en plus long, plus vertigineux, plus abouti encore.

Cette qualité de réalisation dans l’action pure, on la croyait exclusive au cinéma chinois. Choi Dong Hoon vient infirmer cela en montrant qu’il a digéré le savoir-faire et le style chinois sans tomber dans la copie ou s’arrêter à l’hommage poli. Les scènes d’action de The Thieves sont inventives, intelligemment scénarisées et visuellement époustouflantes, elles servent admirablement la cause des personnages notamment dans le troisième acte.

D’une manière générale, la caméra de Choi Dong Hoon se montre dynamique et précise en toute circonstance, les cadrages sont élégants et les mouvements sont lisibles, dénotant d’une gestion exceptionnelle de l’espace. Le réalisateur se permet même de très beaux plans séquences alambiqués, qui achèvent de nous en mettre plein les yeux mais toujours de manière pertinente, sans remettre en cause cette sobriété d’ensemble qui fait le cachet du film.

A sa façon, le réalisateur nous rappelle humblement avec The Thieves qu’un film est fait pour être vu avant tout sur grand écran, pas parce qu’il a coûté 150 millions de dollars en effets spéciaux, mais parce qu’il est bien raconté, bien joué, bien filmé. Voilà qui fait chaud au cœur.

Caroline Leroy

Lire aussi | Comprendre le cinéma d’action coréen : l’éclairage du réalisateur Ryu Seung Wan

Big Swindle (2004)

Film de braquage lorgnant directement vers les Ocean’s dans son mécanisme, mais davantage vers les films de gangsters à l’anglaise pour son ironie, Big Swindle tire parti d’un scénario bien fichu et bénéficie d’une interprétation solide, Baek Yun-Sik en tête. Dommage que les dialogues s’égarent parfois dans du bavardage inutile et que la réalisation, impersonnelle, manque de cette énergie stimulatrice qui aurait pu faire de ce film simplement recommandable une perle du genre.

Réalisé en 2004 par Choi Dong-Hoon (The War of Flowers), Big Swindle constitue une sympathique tentative d’offrir au public local un Ocean’s Eleven à la coréenne. Il est donc question d’un braquage censé être le coup du siècle, mené par une tête pensante qui disparaît contre toute attente dès la première séquence, un procédé habile qui permet de susciter immédiatement la curiosité.

Le film raconte ainsi deux histoires en parallèle, à savoir d’une part l’enquête des policiers cherchant à coincer le reste du groupe, et d’autre part le montage de l’opération par Choi Chang-Hyuk (Park Shin-Yang) et Maître Kim (Baek Yun-Sik), dévoilé en flash back. En dépit d’un rythme soutenu, la narration s’avère suffisamment maîtrisée pour que les enjeux soient clairement plantés, déployant peu à peu les ramifications d’un scénario plutôt bien pensé. Film de gangsters qui s’assume, Big Swindle ne véhicule aucune sorte de morale et met en scène une troupe de personnages uniquement mus par l’appât du gain.

Là où le bât blesse légèrement, c’est du côté de la réalisation qui manque précisément de cette énergie stimulatrice qui aurait pu faire passer le film à la vitesse supérieure. Au point que l’humour ne fonctionne qu’une fois sur deux, les dialogues se perdant parfois en bavardages inutiles à force de vouloir constamment mettre en avant la coolitude des personnages.

Si l’homme autour duquel tourne toute cette histoire campé par Park Shin-Yang (Hi! Dharma) manque quelque peu de charisme (pour le côté Brad Pitt, on repassera), le reste du casting assure une qualité d’interprétation solide tout du long, à commencer par Baek Yun-Sik (The President’s Last Bang, Art of Fighting) dont les apparitions relèvent incontestablement le niveau d’un film qui manque par ailleurs un peu de classe.

Parmi les acteurs à l’affiche, on relèvera aussi la prestation à la fois sexy et décontractée de Yum Jung-Ah (Deux Sœurs), et la présence dans un second rôle de Kim Yun-Seok (acteur principal de The Chaser).

Au final, Big Swindle divertit mais ne risque pas de faire de l’ombre à Snatch ou même au récent Braquage à l’anglaise.

Elodie Leroy

Article publié sur filmsactu.com le 18 mars 2009

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