Yook Sung Jae livre une belle performance d’acteur dans ce conte de fée moderne qui séduit par son intrigue créative et ses rebondissements teintés d’humour.
Lee Seung Cheon (Yook Sung Jae), un lycéen issu d’une famille pauvre, a depuis longtemps abandonné l’idée que l’égalité entre les individus existait. Alors que ses camarades de classe bien nés se déplacent en voiture avec chauffeur, il est contraint de cumuler plusieurs petits boulots pour espérer gagner un peu d’argent. Pire, il subit un harcèlement scolaire quotidien auquel il ne peut pas répliquer.
Contre toute attente, Seung Cheon suscite la sympathie de Hwang Tae Yong (Lee Jong Won), le fils du puissant patron chaebol Hwang Heon Do (Choi Won Young). Il ne laisse pas non plus indifférent la douce Na Joo Hee (Jung Chae Yeon), fille d’un homme d’affaires fortuné.
Un jour qu’il est particulièrement amer, Seung Cheon est hélé par une vieille marchande installée sur un trottoir. Celle-ci lui propose un marché : s’il achète une cuiller en or pour 3 000 wons, il pourra échanger ses parents avec ceux d’un garçon né le même jour que lui, à condition d’utiliser la cuiller pour manger trois repas chez cette personne. Lee Seung Cheon acquiert la cuiller et se dirige vers la maison de Hwang Tae Yong. Bientôt, sa vie bascule du tout au tout.
Conte de fée moderne
Diffusé sur MBC entre le 23 septembre et le 12 novembre 2022, et disponible sur la plateforme Disney+, The Golden Spoon (ou Riche Sinon Rien en VF) réunit plusieurs des sujets qui ont fortement marqué l’année des séries coréennes, entre le thème intemporel du désir de changement de classe sociale (Little Women, Anna), celui de la deuxième chance (Again My Life, Reborn Rich), et celui des changements d’identité surnaturels, voire des transferts de corps (Alchemy Of Souls, Ghost Doctor, Reborn Rich).
The Golden Spoon s’apparente à une fable des temps modernes sur le pauvre et le riche, et plus généralement sur la bonne fortune et son pendant, la jalousie humaine. On y trouve plusieurs ingrédients clés des contes de fée, avec une sorcière invisible du commun des mortels qui apparait de manière opportune, un objet magique qu’il convient d’utiliser selon certaines règles, et un héros qui possède la volonté farouche d’inverser le cours de son destin.
Pour cette raison, la différence considérable qui sépare la famille de Seung Cheon, très pauvre mais chaleureuse, et celle de Tae Yong, très riche mais froide, ne relève pas de la caricature mais applique à une histoire du 21eme siècle les motifs d’un genre très codifié.
De même, on retrouve dans The Golden Spoon l’idée confucianiste, qui imprègne de nombreux contes folkloriques coréens, selon laquelle l’autorité du père détermine la richesse de la famille. Le père de Seung Cheon ne cesse d’ailleurs de se lamenter que sa famille vit dans la misère à cause de son incapacité à percer en tant que dessinateur de manhwa. Le père richissime de Tae Yong est à l’inverse le maitre incontesté de son empire financier comme de sa famille.
La dimension conte de fée de The Golden Spoon est renforcée par la réalisation ingénieuse de Song Hyung Wook (The King’s Affection) et Lee Han Joon (Check Out The Event), qui excelle notamment à traduire à l’écran le sentiment d’étrangeté qui s’empare de Lee Seung Cheon lorsque sa réalité se modifie subtilement sous l’influence de la cuiller.
Le drama est également servi par une superbe bande originale, tant du point de vue des chansons (Answer de Kim Yeji, Lost de Sondia) que des musiques d’ambiance aux accents merveilleux, et dont le morceau The Secret Of The Golden Spoon représente le meilleur exemple.
Yook Sung Jae brillant dans The Golden Spoon
The Golden Spoon possède néanmoins une particularité qui la distingue des autres séries, celle d’avoir deux personnages principaux qui échangent plusieurs fois de nom au cours de la même histoire. Dès les premiers épisodes, les scénaristes Kim Eun Hee et Yoon Eun Kyung (le duo derrière The Prime Minister And I) nous font accepter avec une étonnante facilité cette convention inhabituelle, voire potentiellement casse-gueule en termes d’immersion.
Cette réussite contribue à en faire une série extrêmement ludique, pleine de rebondissements réjouissants qui, avouons-le, nous prennent de cours à plus d’une reprise. Il faut dire que l’intrigue de The Golden Spoon se complexifie en effet au fil des épisodes, à mesure que Seung Cheon prend connaissance des nouvelles règles de la cuiller en or, et découvre incidemment qu’il n’est pas le seul à détenir un secret magique. Même si le drama est émaillé de quelques moments dramatiques, sur la durée, l’humour n’est jamais loin, et rehausse la dimension exaltante de certains cliffhangers.
Le mérite de tout cela en revient également aux deux interprètes principaux, et en particulier à Yook Sung Jae, qui malgré le caractère ambivalent de son personnage, ne nous fait jamais oublier le Lee Seung Cheon que nous avons découvert au début du drama. Son interprétation très assurée apporte beaucoup au rôle, notamment lorsque Seung Cheon se retrouve à jouer les hommes d’affaires pour provoquer l’intérêt du père de Tae Yong.
A ce titre, les face à face de Yook Sung Jae avec Choi Won Young, qui interprète avec brio le glaçant Hwang Heon Do, font partie des moments les plus jubilatoires du drama. Au passage, on notera que les deux acteurs ont une relation à l’opposé de celle, pacifique, qu’ils entretenaient dans Mystic Pop-Up Bar en 2020.
Lee Jong Won, acteur entrevu dans The School Nurse Files et Hospital Playlist 2, prouve de son côté avec The Golden Spoon qu’il fait partie des jeunes talents à suivre. Il est aussi convaincant en fils de chaebol terrorisé par son père qu’en jeune homme de milieu modeste et proche de sa mère, et démontre tout du long une très bonne alchimie avec Yook Sung Jae.
On ne choisit pas ses parents
Enfin, on se prend plus d’une fois à penser que The Golden Spoon possède aussi un parfum de Death Note à la coréenne, avec l’idée d’un objet magique qui donne à un jeune homme ordinaire un pouvoir unique sur les autres.
Même s’il n’est pas aussi cynique que Light Yagami, Lee Seung Cheon est loin d’être quelqu’un de « bon ». Le fait qu’il achète la cuiller en or prouve en effet qu’il a non seulement honte de sa condition sociale, mais aussi de sa famille. Et ce, même s’il se donne pour justification qu’il peut l’aider de loin avec l’argent dont il dispose désormais en tant qu’héritier de conglomérat. Elève brillant, il révèle parallèlement en tant que Hwang Tae Yong une formidable aisance dans le monde des affaires, ce qui donne l’impression troublante qu’il s’agit là de sa véritable place.
En ce sens, la scène de l’épisode 10, dans laquelle Seung Cheon invite en tant que Tae Yong les membres de sa vraie famille à dîner pour les réconforter, est éloquente sur l’ambiguïté de ses sentiments. Lorsque Hwang Heon Do, qui s’est invité à la fête, témoigne soudainement du mépris social à ses parents, il ne peut s’empêcher de voir ceux-ci à travers le regard de Hwang, et sa pitié redouble au lieu de s’atténuer. Il est presque dommage que The Golden Spoon n’aille pas, comme Death Note, au bout de son idée et cherche des excuses à son héros.
L’autre regret concerne le manque de consistance des personnages principaux féminins de The Golden Spoon. Prévisible et sans aspérité, Na Joo Hee fait office de simple faire-valoir pour Lee Seung Cheon, une impression encore renforcée par le jeu fade de Jung Chae Yeon (My First First Love). Si Yeon Woo (Cheat On Me, If You Can) se révèle nettement plus charismatique qu’elle, il est dommage que le personnage de Oh Yeo Jin se résume à un défilé de mode permanent et surtout à son obsession d’épouser Lee Seung Cheon – oui, mais Seung Cheon en tant que Tae Yong, c’est toute la subtilité.
Finalement, celles qui se distinguent le plus sont deux actrices de The King’s Affection, à savoir Han Chae Ah, qui joue avec sobriété la mère de Seung Cheon, et Son Yeo Eun, qui apporte à la belle-mère de Tae Yong une duplicité fascinante.
Parmi les rôles secondaires, notons les performances toujours sympathiques de Kim Ki Doo (Love In Contract) et de Jang Hyuk Jin (Big Mouth), ainsi qu’un caméo particulièrement amusant de Na In Woo (Jinxed At First).
Malgré les légères réserves qui viennent d’être citées, The Golden Spoon atteint indéniablement son but, qui est de nous divertir généreusement et de manière originale, tout en titillant notre réflexion sur le thème de l’envie en général.
Caroline Leroy
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