Le chef d’œuvre de Park Chan-Wook ressort au cinéma dans une version restaurée en 4K. Focus sur le thriller magistral qui a révélé Song Kang Ho et bien d’autres acteurs phares du cinéma coréen.
S’il est un film coréen à voir absolument, c’est JSA (Joint Security Area) de Park Chan Wook. Thriller politique réalisé en 2000, ce chef d’œuvre n’est pas le film le plus connu de son auteur, mais entre en résonance directe avec l’actualité, puisque l’action se déroule dans la DMZ, zone démilitarisée qui sépare les deux Corées. JSA (Joint Security Area) sera disponible dans les salles françaises dans une version restaurée en 4K à partir du 27 juin 2018 grâce à La Rabbia Films.
Synopsis du distributeur : A la suite d’une fusillade dans la Zone Commune de Sécurité (Joint Security Area) séparant les deux Corée, deux soldats de l’armée nord-coréenne sont retrouvés morts. Cette affaire donne lieu à un incident diplomatique majeur entre les deux pays. Afin que la situation ne dégénère pas, une jeune enquêtrice suisse est chargée de mener les auditions des soldats qui étaient en poste… Elle se rend très vite compte que les divers témoignages rendent l’enquête complètement indémêlable… Que s’est-il vraiment passé, ce soir-là, entre les soldats des deux Corée, dans la Zone Commune de Sécurité ?
Un classique instantané du cinéma coréen
Avec son ambiance nocturne et son personnage d’enquêtrice chargée de résoudre une énigme, JSA (Joint Security Area) emprunte aux codes du thriller à l’occidentale pour planter son décor, installer son intrigue et amorcer la résolution de son mystère. Pourtant, l’histoire est résolument ancrée dans l’actualité coréenne puisqu’elle met en scène une douloureuse histoire d’amitié entre des soldats de Corée du Sud et des soldats de Corée du Nord, comme nous le découvrons au fil de l’enquête de l’envoyée de la NNSC (Neutral Nations Supervisory Commision).
Inspiré du roman DMZ de Park Sang Yeon, JSA (Joint Security Area) est un film imprégné d’une véritable tension psychologique, qui transmet à la fois le sentiment d’instabilité et la souffrance associés à la séparation entre les deux Corées. Il est particulièrement intéressant de le découvrir dix huit ans plus tard, au moment où l’hypothèse d’un rapprochement entre les deux Corées devient de plus en plus crédible.
Énorme succès dans les salles coréennes, JSA (Joint Security Area) a tout de même provoqué des réactions extrêmes lors de sa sortie, entre les 5,8 millions de spectateurs qui ont manifesté leur émotion et le monde militaire qui a violemment exprimé son désaccord avec le propos du film.
JSA (Joint Security Area) impose alors résolument Park Chan Wook comme l’un des réalisateurs incontournables de la nouvelle vague du cinéma coréen, celle qui a émergé dans les années 90 après la fin de la dictature, avant d’être propulsée dans les années 2000 par la politique culturelle agressive lancée par le président Kim Dae Jung – une politique à laquelle nous devons également l’essor des dramas et de la K-pop.
Park Chan Wook bénéficie ainsi pour la première fois, avec JSA (Joint Security Area), d’un budget conséquent (environ 3 millions de dollars), ce qui lui permet de délivrer un film ambitieux, extrêmement soigné visuellement, en plus d’être maîtrisé sur le plan de la narration et de l’utilisation des différents points de vue. Sans surprise, JSA (Joint Security Area) est devenu un classique instantané du cinéma coréen.
Park Chan Wook signera par la suite la trilogie de la vengeance – Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance – ainsi que la comédie romantique Je Suis Un Cyborg, le film de vampires Thirst et le thriller érotique Mademoiselle.
Un casting qui a fait du chemin
JSA (Joint Security Area) mise sur un casting d’acteurs qui ont tous fait carrière par la suite. Côté Sud, nous retrouvons dans le rôle principal Lee Byung Hun, qui nous marquera quelques années plus tard dans les films A Bittersweet Life et Le Bon, la Brute et le Cinglé de Kim Jee Woon, mais aussi dans le drama IRIS, qui évoquera aussi la possibilité d’un rapprochement Nord/Sud à travers une intrigue d’espionnage. Lee Byung Hun a une grosse actualité ces jours-ci, puisque nous le retrouverons très bientôt dans le blockbuster de l’été de la chaîne tvN, Mr. Sunshine.
Côté Nord, nous découvrons Song Kang Ho, acteur coréen ultra charismatique et attachant que l’on ne présente plus, vu dans Sympathy for Mr Vengeance (Park Chan Wook), Le Bon, la Brute et le Cinglé (Kim Jee Woon), mais aussi dans Memories of Murder et Snowpiercer (Bong Joon Ho) et dans quelques succès récents comme The Attorney (Yang Woo Seok). A l’époque, il était encore peu connu. Aujourd’hui, son nom est synonyme de carton au box-office. Plus de dix ans après l’affaire des screen quotas qui a coûté si cher à l’industrie, Song Kang Ho participe à lui tout seul à faire vivre le cinéma coréen.
L’enquêtrice de la NNSC est quant à elle campée par Lee Young Ae. Elle deviendra trois ans plus tard véritable star quelques années plus tard grâce à l’excellent drama fleuve Jewel In The Palace (aka Dae Jang Geum), et retrouvera Park Chan Wook en 2005 pour tenir le rôle principal de Lady Vengeance, avant de stopper sa carrière pour une dizaine d’années. Elle était de retour l’année dernière à la télévision dans le très beau Saimdang, Light’s Diary.
Les deux seconds rôles sont également interprétés par des acteurs qui ont fait du chemin par la suite. L’autre soldat nord-coréen est campé par Shin Ha Guyn, acteur caméléon qui fait partie des acteurs fétiches de Park Chan Wook (Sympathy for Mr Vengeance, Thirst), qui était récemment à l’affiche de The Villainess (Jung Byung Gil), et que l’on retrouve bien sûr à la télévision dans de nombreux dramas (Brain, Mr. Back). L’autre second rôle est interprété par Kim Tae Woo, également présent au cinéma (chez Hong Sang Soo, notamment dans Les Femmes de mes Amis) et à la télévision (God’s Gift – 14 Days).
Le roman dont s’inspire JSA (Joint Security Area) a fait l’objet d’autres adaptations, d’abord sous forme de comédie musicale en 2013, puis sous forme de mini-drama coréen en 2014 sur la chaîne publique KBS.
Ma découverte de JSA (Joint Security Area)
Pour finir, il me faut vous avouer que JSA (Joint Security Area) a une signification particulière pour moi, ainsi que pour ma sœur Caroline, puisque nous l’avons découvert ensemble. Non seulement il s’agit d’un grand film, mais il a en grande partie contribué à faire naître ma passion pour le cinéma coréen et pour la Corée du Sud en général.
Nous avons découvert JSA (Joint Security Area) en mars 2001 dans une salle de cinéma, celle du CID à Deauville, à l’occasion du Festival du Film Asiatique de Deauville. Le réalisateur Park Chan Wook et l’acteur Song Kang Ho étaient présents pour présenter le film au public français, visiblement sans trop savoir quel accueil lui serait réservé.
A la fin de la séance, le public a offert l’une des standing ovations les plus longues que j’ai vécues. Comme beaucoup, nous sommes allées demander aux deux artistes de signer notre programme – en passant, Caroline a remercié personnellement Park Chan Wook pour ce merveilleux film.
JSA (Joint Security Area) a reçu le Lotus d’Or du meilleur film et le prix du public. Song Kang Ho a lui aussi été récompensé du Lotus du meilleur acteur. Song Kang Ho, qui présentait alors aussi le film The Foul King de Kim Jee Woon (où il interprétait un catcheur !), s’était montré tellement accessible et chaleureux avec le public français qu’il était devenu, en quelque jours, le chouchou des festivaliers!
Inédit dans les salles françaises, JSA (Joint Security Area) sort en version restaurée en 4K le 27 juin 2018 grâce à La Rabbia, distributeur de films de patrimoine restaurés. A l’heure où les deux Corées viennent de rétablir un dialogue qui pourrait bien – nous l’espérons vivement – tourner une page de l’Histoire et mener les deux pays à signer un traité de paix, il est urgent, si vous ne l’avez jamais vu, de découvrir ce chef d’œuvre du cinéma. Vous ne regretterez pas le déplacement.
Elodie Leroy
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