La saison 2 de Love Alarm aurait pu prolonger l’émerveillement de la précédente, mais vient au contraire démolir tout ce qui faisait le charme de son univers. Tristesse.
Romantique, intelligent, émouvant, Love Alarm avait mérité son succès lors de sa sortie en 2019. Netflix avait d’ailleurs annoncé rapidement le renouvellement de ce qui s’annonçait comme une belle franchise. Love Alarm 2 est donc disponible depuis le 12 mars, mais ne vous réjouissez pas trop vite. Si vous attendiez avec impatience les nouvelles aventures de Kim Jojo, vous risquez fort d’être déçus. Pire, on croirait que les scénaristes et le réalisateur se sont ligués contre les fans pour casser un à un tous les espoirs laissés par la saison 1. Déclinée en 6 épisodes, alors que l’histoire aurait pu tenir sur 1h30, cette suite de Love Alarm est non seulement ennuyeuse, mais surtout déprimante et profondément frustrante.
Love Alarm, quatre ans après
La saison 2 se déroule quatre ans après la fin de la saison 1. Kim Jojo (Kim So Hyun) a repris ses études. Sur sa Love Alarm, le bouclier l’empêche toujours de déclarer ses sentiments à qui que ce soit. Devenu mannequin, Sun Oh (Song Kang) subit toujours les caprices de son père politicien et espère reconquérir le cœur de Jojo. Quant à Hye Young (Jung Ga Ram), il sort avec Jojo malgré le silence de sa propre Love Alarm. Sur l’appli, de nouvelles fonctionnalités sont disponibles : désormais, l’utilisateur connaît l’identité et la localisation des personnes qui pourraient l’aimer.
Le cliffhanger qui clôturait la saison 1 nous avait mis l’eau à la bouche, mais c’est avec un goût amer que nous terminons cette suite. Il faut se rendre à l’évidence : Love Alarm 2 est un ratage dans les règles de l’art. Il faut croire que la nouvelle équipe de production n’a pas su capter le charme et la singularité de Love Alarm. Adaptée du webtoon de Cheon Kye Young, la saison 1 distillait avec habileté, au fil d’une histoire émouvante centrée sur un triangle amoureux, un propos sur l’addiction au numérique et la difficulté de dire ses sentiments à l’ère des réseaux sociaux.
A la mise en scène, la réalisatrice Lee Na Jung est remplacée par Kim Jin Woo, qui a dirigé le drama juridique Suits. Le nom de Lee Na jung est tout de même crédité au générique, ce qui est la moindre des choses compte tenu de l’utilisation excessive de flashbacks de la saison 1. Du côté des scénaristes, aux noms de Seo Bo Ra et Lee Ah Yeon succèdent ceux de Ryu Bo Ra, Cha Yeon Su, Kim Seo Hee et Kwon Ji Young. Il est surréaliste de constater qu’il a fallu quatre personnes pour pondre une histoire aussi indigente.
Quand le chef opérateur a un blanc
Le premier sujet d’étonnement, dans Love Alarm 2, est son rythme incroyablement lent. Si l’on met bout à bout les seules scènes qui font avancer l’histoire, l’affaire devrait se conclure en un ou deux épisodes. Pendant une grande partie du temps, il ne se passe rien. Au point que l’on imagine vite une théorie : et si la série était prévue à l’origine sur une saison, mais que les derniers épisodes avaient été étirés artificiellement pour produire une saison 2 ?
Cette théorie expliquerait cette sensation débilitante du temps qui se dilue à l’infini. Entre les moments inintéressants du quotidien et les échanges de regards qui traînent en longueur, la série met nos nerfs à rude épreuve, tel un obscur film d’auteur français des années 90 échappé d’un festival parisien.
Le style visuel de Love Alarm 2 laisse par ailleurs perplexe. Si les plans nocturnes sont de belle facture, profitant d’un joli travail sur l’étalonnage, il n’en va pas du tout de même pour les plans de jour, qui sont sapés par des lumières blanches particulièrement inélégantes. Plus qu’à un parti pris esthétique ou à une marque de fabrique du chef opérateur, ces lumières ressemblent à un procédé de post-production visant à camoufler des problèmes de raccord lumière.
Que s’est-il passé sur Love Alarm 2 ? Certaines images datent-elles de l’époque de la saison 1 ou cette suite manquait-elle simplement de budget ? En tout cas, le style visuel chaleureux imposé par la réalisatrice Lee Na Jung a complètement disparu des radars. Au revoir les superbes plans sur les visages de Kim So Hyun et Song Kang flirtant dans une ruelle dans la saison 1. Bonjour les frimousses ternes et fatiguées sur fond blanc dans la saison 2 !
Le fantôme de Kim Jojo
Au-delà de ces choix esthétiques douteux, il est surtout difficile d’accepter une suite qui s’attache avec autant d’acharnement à détruire tout ce qui nous reliait à son héroïne.
Dans Love Alarm Saison 1, Kim Jojo était une jeune fille discrète et touchante. Hantée par un traumatisme d’enfance, elle s’interdisait d’être heureuse, avant d’être émue par l’amour de Hwang Sun Oh. La pureté de leur relation apportait un rayon de soleil dans sa vie et dans le monde superficiel façonné par l’appli Love Alarm. Un peu plus tard dans la série, sa rencontre avec Hye Young et le réconfort qu’il lui apportait avait du sens après sa séparation de Sun Oh.
Qu’est-il arrivé aux protagonistes ? Rien, et c’est bien là tout le problème. Les personnages masculins sont restés englués dans leurs obsessions. Quatre ans se sont écoulés et Sun Oh est toujours au point mort dans sa vie. Il vit la même relation barbante avec la même fille ennuyeuse et entend les mêmes rengaines de la part de ses parents. Quant à Kim Jojo, elle est devenue si égocentrique qu’elle suscite de plus en plus d’antipathie à mesure que ses prétendants souffrent le martyr.
Ce qui est fascinant, quand deux personnages de Love Alarm 2 se rencontrent, est aussi qu’ils n’ont strictement rien à se dire. N’y avait-il aucun dialoguiste dans l’équipe de scénaristes ? Quatre scénaristes, tout de même. Certains dialogues tournent en boucle comme un disque rayé. « Tu vois bien que tu m’aimes », répète pathétiquement Sun Oh à tout bout de champ, tandis que Jojo le regarde d’un air coincé.
A ce propos, il est parfois difficile de lire les expressions de la jeune fille quand l’actrice reste statique à ce point. On ne compte pas le nombre de scènes où Kim Jojo se tient immobile devant son interlocuteur, l’air béat et les larmes artificielles dans les yeux. Ou les moments où elle ignore les personnages secondaires, ne prenant même pas la peine de leur accorder un regard (compassion pour la copine fac réduite à l’état de sous-fifre). Le talent de Kim So Hyun (River Where the Moon Rises) n’étant plus à démontrer, nous n’avons pas d’autre choix que de blâmer le réalisateur pour son absence de direction d’acteurs.
Go Min Si sauve quelques scènes
Les autres acteurs ont l’air de s’ennuyer au moins autant que les spectateurs. Jung Ga Ram (Lucky Strike) est l’ombre de lui-même dans le rôle de Hye Young, devenu amorphe dans son quotidien, niais face à Jojo et insupportable face à Sun Oh. On finit presque par le détester, lui qui était si attachant dans la saison 1. Au passage, il a la chance d’avoir des horaires de bureau très souples, puisqu’il peut s’absenter à tout moment pour résoudre ses histoires de cœur.
Quant à Song Kang, qui avait l’air décidément plus enjoué dans Sweet Home, il fait de son mieux pour nous faire accepter les errances de Sun Oh, mais on souffre pour lui à mesure que son personnage s’aperçoit qu’il est le dindon de la farce. Difficile de briller quand ses apparitions consistent principalement à pleurnicher, se lamenter et poser pour des photoshoots. Sur ce plan, il trouve une challenger de taille en la personne de Kim Si Eun (Bad Papa), figée dans le rôle de cette pauvre Yuk Jo, la copine bouche-trou condamnée à verser des litres de larmes ou à sourire bêtement à chaque épisode, mais dont on ne sait quasiment rien à la fin de l’histoire.
Finalement, seule Go Min Si (Secret Boutique) tire son épingle du jeu avec son interprétation comique et pétillante de Gul Mi. Nous lui devons les seules scènes divertissantes du drama. La futilité du personnage finit par attendrir et lui donne un charme qui manque cruellement aux autres personnages : la vie. Gul Mi est le seul personnage qui vit et qui évolue dans cette saison 2. On peut presque parler d’une prouesse d’actrice, étant donné que Go Min Si anime ses scènes toute seule devant la caméra la plupart du temps, alors que la direction d’acteurs est visiblement inexistante.
Un autre acteur se livre au même exercice, avec moins de succès : Kim Do Hoon (l’homme qui aurait dû rester masqué dans Arthdal Chronicles), qui peine à imposer sa présence timide et hésitante dans le rôle de Brian Cheon. Au passage, la morale de l’histoire, qui nous est assénée par un autre personnage (vous découvrirez lequel en regardant la série) s’adressant à Brian dans le dernier épisode, est assez révoltante de bêtise.
Sur la fin de Love Alarm (spoiler)
En dehors de Gul Mi pour nous faire rire, nous n’avons plus que nos yeux pour pleurer. Et nos nerfs pour nous révolter contre les monologues intérieurs narcissiques de Kim Jojo, qui justifie sa rupture avec Sun Oh par l’une des explications les plus hypocrites entendues dans un drama. « Tu étais trop important », dit-elle. Elle était surtout trop égoïste. On reste également interloqué devant la conclusion des problèmes de couple de Sun Oh et Yuk Jo, qui nous ramène strictement au point de départ. Comme si ces deux personnages avaient tourné en rond.
Sans intérêt, sans poésie, sans émotion, Love Alarm 2 n’aurait peut-être pas dû voir le jour. Même la bande son a déclaré forfait : les nouvelles chansons, toutes plus molles les unes que les autres, font pâle figure à côté de celles de la saison 1, qui repointent parfois le bout de leur nez comme un ancien amour soufflant sur des braises éteintes.
Il nous reste à garder précieusement la saison 1 dans nos cœurs, à effacer cette saison 2 de nos mémoires et à espérer qu’il n’y aura jamais de saison 3. Il est temps de désinstaller cette appli.
Elodie Leroy
Lire aussi
Critique : Kkondae Intern, drama de bureau décapant avec Park Hae Jin