Kim Rae Won et Lee Da Hee nous entrainent dans une expérience télévisuelle inégale mais assurément unique en son genre.
Drama de science-fiction luxueux, L.U.C.A.: The Beginning s’intéresse au destin chaotique d’un être issu de manipulations génétiques. Riche en action, en rebondissements et en effet spéciaux, il bénéficie de l’expertise du réalisateur Kim Hong Sun, qui parvient à créer à l’écran un univers esthétique et cohérent. Si l’on apprécie tout particulièrement les deux personnages principaux, et notamment le « monstre » campé par Kim Rae Won, les motivations de certains personnages secondaires apparaissent parfois obscures. Le drama se perd ainsi un peu en route dans son troisième acte, avant de se reprendre dans les deux derniers épisodes, très réussis.
La genèse difficile de L.U.C.A.: The Beginning
Ji-O (Kim Rae Won) possède un pouvoir destructeur lié à l’électricité, mais il se réveille chaque matin sans savoir qui il est, ni où il se trouve. Alors qu’il mène une vie d’ouvrier ordinaire, il est pris en chasse par un groupe de mercenaires menés par Yi Son (Kim Sung Oh), qui travaille pour une organisation liée à un laboratoire où sont menées des expériences secrètes. C’est ainsi que Ji-O croise le chemin de Gu Reum (Lee Da Hee) une jeune policière tête brûlée qui enquête sur le meurtre de ses parents. D’abord ennemis, tous deux finissent par se rapprocher.
Diffusé sur tvN entre le 1er février et le 9 mars 2021, L.U.C.A.: The Beginning est en réalité annoncé dans la presse dès novembre 2019. A l’époque, il est sobrement intitulé LUCA, pour « Last Universal Common Ancestor », et l’acteur Ji Chang Wook (Lovestruck In The City) est pressenti pour en interpréter le rôle principal. Alors que la diffusion est prévue au début 2020, on apprend en janvier que le rôle est proposé à Kim Moo Yeol (Forgotten) puis, le mois suivant, à Kim Rae Won (Black Knight). Ce dernier confirme finalement sa participation en avril, en même temps que l’actrice Lee Da Hee (Search WWW).
Le parcours de L.U.C.A.: The Beginning n’aura donc pas été de tout repos, à l’instar de celui de son anti-héros. Au vu du résultat, on comprend néanmoins que l’élaboration du projet ait nécessité une certaine durée.
Des scènes d’action sous tension
Kim Hong Sun, réalisateur respecté de Voice, Black et The Guest, impose son style cinématographique dès les premiers plans tout en installant une atmosphère de tension palpable autour de ses personnages traqués. Chose rare à la télévision, il fait la part belle aux lignes verticales lorsqu’il filme les courses-poursuites des protagonistes le long des dénivelés de ruelles qui surplombent la ville endormie, ou les buildings écrasants qui tapissent l’arrière-plan à perte de vue. Les effets spéciaux digitaux sont également de toute beauté, conférant au pouvoir électrique de Ji-O une force redoutable à l’écran.
Le réalisateur s’offre également un plan séquence d’action dès le premier épisode, dans lequel Lee Da Hee met des gangsters hors d’état de nuire, ainsi qu’un faux plan-séquence étourdissant dans un ascenseur dès le deuxième épisode. On peut raisonnablement penser que Kim Hong Sun a été titillé par l’exploit inédit réalisé par son confrère Kim Jin Won sur My Country: The New Age en 2019. La réalisation haut de gamme de L.U.C.A.: The Beginning est par ailleurs soutenue par une bande originale à la fois ample et atmosphérique, qui se révèle empreinte d’une étrange nostalgie.
Kim Rae Won en antihéros romantique
Avec son scénario mêlant manipulations génétiques, clonage et théorie sur l’évolution, L.U.C.A.: The Beginning s’inscrit dans la lignée de la très belle série Duel, qui introduisait le genre du Tech Noir à la télévision coréenne en 2017. Contrairement au récent Awaken, qui a bien du mal à se démarquer de cette influence tutélaire, L.U.C.A.: The Beginning affirme rapidement la singularité de son univers de science-fiction. De par ses ambitions artistiques, il se démarque également de Rugal, autre drama à avoir abordé le thème de l’humain augmenté. Il partage malgré tout avec ce dernier une dimension super-héroïque marquée, qui prend tout son sens à mesure que l’intrigue progresse, comme si nous assistions à la naissance d’un mythe.
Centrée sur la quête d’une créature mutante qui cherche désespérément sa place dans le monde des humains, l’histoire de L.U.C.A.: The Beginning évoque irrésistiblement celle des super-héros marginaux américains à la X-Men. Ji-O s’avère ainsi plus difficile à cerner qu’il n’y paraît au premier abord, derrière son air tour à tour candide et implacable. Kim Rae Won, jusqu’alors peu familier du genre de la science-fiction, est un excellent choix de casting. Alors qu’il est plus âgé que le rôle, il parvient à conférer au personnage un côté homme-enfant qui le rend d’autant plus inquiétant lorsqu’il décide de prendre ses propres décisions, de revendiquer sa nature et ses influences. En parallèle, il se révèle touchant dans sa découverte de l’amour.
Si Ji-O est au cœur de la plupart des grandes scènes d’action du drama, L.U.C.A.: The Beginning se distingue également par des fins d’épisode marquantes, comme celles des épisodes 3 et 10, notamment. Impossible d’oublier non plus la scène d’accouchement collective horrifique et démente qui intervient dans le dernier tiers de la série.
Lee Da Hee en flic bagarreuse, mais dépendante
Malgré ses qualités évidentes, L.U.C.A.: The Beginning manque cependant de thèmes forts qui pourraient alimenter son intrigue sur une durée de douze épisodes. L’ensemble donne de fait l’impression de manquer de densité, notamment dans sa seconde partie, plombée par des expériences en laboratoire assez répétitives. Chun Sung Il, l’homme derrière Your Honor, Chuno et The Fugitive: Plan B, s’intéresse par ailleurs nettement moins aux personnages qui gravitent autour de Ji-O, à quelques exceptions près.
Le traitement sexiste réservé à Gu Reum en constitue un exemple éloquent. Alors qu’elle nous est introduite comme une flic téméraire, Gu Reum n’a pour ainsi dire jamais l’occasion d’accomplir une action glorieuse jusqu’au bout. Même lorsqu’elle se bat avec style et acharnement, son bébé sur le dos telle Ogami Itto dans Baby Cart, même lorsqu’elle terrasse dix adversaires d’un coup, il arrive toujours un homme pour l’assommer par derrière au dernier moment et la réduire à l’impuissance. C’est alors qu’intervient un sauveur (généralement Ji-O), voire deux, pour la tirer d’affaire et prendre le beau rôle. Comme si le scénariste était systématiquement en proie à un conflit intérieur au moment d’écrire ses scènes d’action.
Ce parti-pris est d’autant plus regrettable que Gu Reum est attachante, et très bien interprétée par Lee Da Hee. L’actrice se démène dans les scènes d’action et possède aussi une belle alchimie avec Kim Rae Won, ce qui rend leurs brèves scènes intimistes assez émouvantes. Gu Reum apporte également un regard crucial sur Ji-O, en ce qu’elle questionne sa légitimité à exister parmi les humains.
Il est aussi dommage que Yi Son, le méchant incarné par Kim Sung Oh (A Korean Odyssey) ne soit pas davantage étoffé. Il devient ainsi plus difficile de comprendre ses motivations au fil des épisodes, malgré tout l’amour que lui porte Yuna, jouée avec conviction par Jung Da Eun (Mystic Pop-Up Bar). Les acteurs vétérans sont cependant excellents dans leurs rôles respectifs, notamment Jin Kyung (Dr Romantic) en gourou détestable et Park Hyuk Won (The Nokdu Flower) en homme d’affaires inhumain. Ajoutons à cela une sympathique apparition spéciale de l’actrice Jung Eun Chae (The King : Eternal Monarch), qui avait collaboré avec le réalisateur sur The Guest en 2018.
Parmi les acteurs secondaires, Ahn Nae Sang (My Country: The New Age) est cependant celui qui tire le mieux son épingle du jeu avec un personnage de savant fou ambivalent à souhait, dont la relation avec Ji-O s’avère particulièrement intéressante.
Les scores d’audience de L.U.C.A.: The Beginning auront été au rendez-vous, tournant autour de 5 à 6% durant la diffusion de la série. Soyons clairs, tout laisse à penser que la série pourrait connaître une seconde saison. Le scénariste a confirmé qu’il s’agissait d’une éventualité, tout en précisant qu’aucun travail n’était en cours en ce sens actuellement. Au vu du final franchement réussi, on espère vraiment que le projet verra le jour.
Caroline Leroy
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