Ce drama coréen romantique s’intéresse au phénomène de la chirurgie esthétique en Corée chez les jeunes. My ID is Gangnam Beauty est une série divertissante qui parle avec intelligence de notre époque.
Inspiré du webcomic de Gi Maeng Gi, My ID is Gangnam Beauty a tous les atouts de son côté pour plaire aux amateurs de comédie romantique : un scénario plein de rebondissements et d’humour, une galerie de personnages attachants et, bien sûr, un couple glamour interprété par Im Soo Hyang et Cha Eun Woo. Mais derrière sa légèreté de ton et son image sucrée, le drama délivre des messages forts sur l’obsession du regard des autres et le sexisme, qui sont autant d’obstacles à la poursuite du bonheur.
Synopsis : Rejetée à l’école pour son apparence physique, Kang Mirae (Im Soo Hyang) décide de se faire intégralement refaire le visage pour son entrée à l’université. Devenue belle, Kang Mirae est désormais populaire, mais certains l’appellent « Gangnam Beauty », une manière de se moquer de ses opérations. Elle rencontre Do Kyung Seok (Cha Eun Woo), un jeune homme très beau qui ne juge pas les autres à leur apparence.
La vie étudiante en Corée
Lors de sa diffusion en Corée pendant l’été 2018, My ID is Gangnam Beauty rencontre un succès public et critique et fait partie des trois dramas faisant le buzz sur les réseaux sociaux, aux côtés de Mr. Sunshine et Thirty But Seventeen. Les spectateurs s’emballent pour l’audace du sujet, le propos sur le sexisme et le couple charmant formé par Im Soo Hyang et Cha Eun Woo.
Les dramas coréens avaient également démontré par le passé leur savoir-faire pour dépeindre le monde étudiant. Cheese in the Trap (tvN, 2016), qui s’inspirait également d’un webtoon, capturait avec justesse la vie étudiante et ses incertitudes, tandis que le savoureux Drinking Solo (tvN, 2017) s’intéressait notamment au quotidien des professeurs.
My ID is Gangnam Beauty s’inscrit dans cette vague de dramas étudiant, qui adopte les codes et l’esthétique de la comédie romantique pour saisir les préoccupations de la jeunesse. L’histoire débute sur une note plus sombre, mais il ne s’agit que d’un point de départ : My ID is Gangnam Beauty est un healing drama et surtout pas un mélo.
Obsession de la beauté et compétition sociale
Le premier épisode de My ID is Gangnam Beauty est poignant : une adolescente encaisse moqueries et rejet des autres à cause de son visage, qui lui vaut d’être comparée à un troll. La réalisation de Choi Sung Bum, sensible et elliptique, colle au plus près des émotions de Kang Mirae sans jamais dévoiler son visage. Mais si la jeune fille est affreuse aux yeux de ses camarades, elle est magnifique à travers ceux de son père, qui chérit la photo accrochée sous le rétroviseur de son taxi.
Lorsque Kang Mirae arrive à l’université avec un nouveau visage, seul moyen pour elle de recommencer à zéro, le drama change radicalement de ton : lumières oniriques, couleurs flashy, musique murmurée par une douce voix féminine… On se croirait dans un rêve, ou dans une publicité pour des produits de beauté.
Avec ses yeux débridés, son nez affiné et sa V-line, Kang Mirae est devenue une « Gangnam Beauty ». L’expression fait référence au district de Gangnam, le quartier chic de Séoul où les cliniques ont pignon sur rue, ce qui en fait le centre de gravité de l’activité de chirurgie esthétique en Corée.
En changeant de visage, Mirae verra-t-elle tous ses problèmes disparaître ? Pas si sûr. Elle est désormais admirée par ses camarades, mais cette situation nouvelle est un choc pour une jeune fille aussi naïve et timorée, qui a tout à apprendre sur les codes sociaux et de la compétition sur l’apparence qui régissent les relations entre les étudiants.
Si vous cherchez un drama dénonçant sommairement la chirurgie esthétique, comme le font abondamment nos reportages télévisés français sur la Corée sans chercher plus loin que le bout de leur caméra, passez votre chemin. My ID is Gangnam Beauty n’est pas une sorte de Nip/Tuck à la coréenne. L’histoire s’intéresse plutôt à l’environnement social dans lequel l’obsession de la beauté a pris une telle importance. Et ce monde n’est pas si différent du nôtre.
Quoi que l’on pense du recours à la chirurgie esthétique, le sujet ne laisse personne indifférent. Il nous rappelle le caractère superficiel du monde moderne. Pourtant, les émotions qui se cachent derrière ces coups de bistouri et les moqueries de ceux qui traitent Mirae de « Gangnam Beauty » sont intemporelles. Il s’agit avant tout de la peur de ne pas être accepté par ses pairs, de ne pas rentrer dans le moule, et donc de dégringoler dans l’échelle sociale.
Vient s’ajouter une autre crainte pour les filles, celle de ne pas recevoir l’approbation des garçons.
Le sexisme dans tous ses états
Les standards de beauté introduisent une forme de hiérarchie dans les rapports sociaux entre les étudiants, mais aussi entre les garçons et les filles. Ils révèlent un sexisme insidieux ancré depuis l’école, qui octroie aux garçons le pouvoir de soumettre les filles à leurs commentaires et leurs sarcasmes, et donc de les juger. Ne nous voilons pas la face : cette comédie se joue aussi en France, comme partout dans le monde.
Cette hiérarchie prend une dimension particulièrement perverse dans une société où les individus doivent absolument obéir à leurs sunbae, ou seniors. L’épisode dans lequel une bande de garçons organise une fête entre les murs de l’université et demande aux filles de première année de jouer les serveuses en mini-jupe est édifiant, mais à peine caricatural sur ce qui peut se produire lorsque les garçons se sentent investis d’un pouvoir sur les filles.
Sans jamais se départir de sa légèreté de ton, My ID is Gangnam Beauty aborde avec sérieux des questions épineuses comme les troubles du comportement alimentaire chez les filles, le harcèlement sexuel, mais aussi l’exploitation d’images volées sur Internet, un fléau qui touche notamment le métro de Séoul et a récemment fait l’objet d’une campagne en Corée – l’affaire trouve en 2019 une résonance particulière avec les scandales qui secouent le monde de la K-pop.
Le drama ne verse pas pour autant dans le victimisme : la galerie de personnages d’étudiants, masculins comme féminins, permet de nuancer le propos et d’éviter une condamnation sommaire de la gent masculine.
Entre ceux, comme Chan Woo (Oh Hee Joon), qui profitent de leur position pour pallier leur complexe d’infériorité, et ceux, comme Won Ho (Kim Doh Yon), qui ont intégré des réflexes sexistes sans toujours penser à mal, ou encore les courageux, comme Woo Young (Kwak Dong Yeon), qui s’élèvent contre cette hiérarchie entre les sexes, les réactions sont aussi variées qu’il y a de personnages.
Quatuor amoureux
Le scénario se montre très habile dans sa manière de relier les angoisses de Mirae aux thèmes de fond du drama. Victimisée par les autres, puis confrontée à ses propres blocages, Mirae n’est pas pour autant une héroïne de mélodrame. Le simple fait que ses parents soient des personnes sans histoire et qu’ils la chérissent de manière inconditionnelle écarte la possibilité, pour le scénario, de s’égarer dans les excès lacrymaux. La romance joue en revanche un rôle central dans l’évolution du personnage principal, agissant comme une véritable thérapie.
Le canevas de l’histoire sentimentale entre Kang Mirae et Do Kyung Seok ne surprendra personne : elle est nunuche, il est sauvage, et chacun devra affronter un rival. L’héroïne est jalousée par Soo-A (Jo Woo Ri), une jeune fille populaire dont la beauté naturelle fait l’unanimité, et dont les risettes cachent une réelle cruauté. Ce triangle amoureux se transforme en quatuor avec l’arrivée de Woo Young, le charmant professeur de chimie qui fait tourner les têtes des étudiantes.
L’une des qualités de My ID is Gangnam Beauty est de soigner le développement de chacun de ces quatre protagonistes. Chacun incarne une attitude différente vis-à-vis de la compétition sociale qui se joue à travers l’obsession de la beauté : Mirae est craintive, mais tournée vers les autres, tandis que Kyung Seok se referme sur lui-même et fuit les relations sociales ; Woo Young sait mettre son ego de côté et jouer son rôle d’adulte, alors que Soo-A manque d’amour-propre et s’enferme dans une jalousie qui tourne à l’obsession.
Kang Mirae nous fait fondre avec ses réactions naïves et son excès de gentillesse qui lui joue des tours. Elle est interprétée avec talent par Im Soo Hyang (Lovers in Bloom), qui a fait preuve d’un certain courage en acceptant un tel rôle : il est évident qu’elle est elle-même passée par la table d’opération, mais elle assume. Son interprétation est juste et son personnage très attachant. My ID is Gangnam Beauty est l’histoire d’une guérison : hantée par ses traumatismes, Mirae trouve un réconfort dans sa relation avec Kyung Seok et réussit peu à peu à s’affirmer.
Peu expérimenté en tant qu’acteur, Cha Eun Woo (du groupe ASTRO) montre un certain potentiel, même si sa palette d’expressions mériterait d’être développée. Il a cependant l’attitude et le physique de l’emploi : avec son look propre sur lui et son regard mystérieux et farouche, Do Kyung Seok ressemble à un personnage de BD, à l’un de ses jeunes hommes ténébreux qui fait chavirer le cœur de toutes les héroïnes de shôjo manga ! On se laisse volontiers charmer par sa présence.
La révélation du drama est Jo Woo Ri (dans Descendants of the Sun, elle jouait la petite amie d’Onew), qui interprète Soo-A, un personnage complexe qui suscite des sentiments opposés, entre la révolte et l’empathie. Le motif de sa rancœur irrationnelle envers Mirae laisse pantois, mais cache une profonde détresse, que l’actrice parvient à faire ressentir tout au long du drama avec un jeu subtil, jouant sur les détails. Ce drama devrait la faire monter en grade dans l’industrie. Il est finalement difficile de détester Soo-A, malgré tous ses mensonges et ses méfaits (et elle en commet une sacrée collection !).
Un autre personnage féminin apporte du relief à My ID is Gangnam Beauty : Na Hye Sung, la mère de Kyung Seok, qui se prend d’affection pour Mirae. L’actrice Park Joo Mi (Blood, Come and Hug Me) se révèle très charismatique et dégage une aura particulière dans le rôle de cette mère imparfaite, mais pleine de sagesse. Leurs échanges sonnent très juste et permettent bien souvent de prendre du recul sur les questions soulevées par le drama.
Et c’est tant mieux ! Car en fin de compte, malgré les moments douloureux et les questions graves abordées ici et là tout au long de ces 16 épisodes, le drama sait garder sa légèreté, son esthétique sucrée, et dégage une énergie positive. A l’image des slogans féministes inscrits sur les t-shirts de l’héroïne, My ID is Gangnam Beauty invite les jeunes à prendre confiance en eux, à cultiver un amour de soi et à être heureux.
Diffusé entre le 27 juillet et le 15 septembre 2018 sur JTBC, succédant à Sketch et précédant The 3rd Charm sur le créneau du vendredi/samedi à 23h, le drama My ID is Gangnam Beauty est actuellement disponible sur Netflix.
Elodie Leroy
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