Photo Song of the Bandits (Cr. Netflix © 2023)

Critique : Song of the Bandits, un western kimchi cathartique avec Kim Nam Gil

Fusillades, héros stylés et espionnage : Song of the Bandits offre un cocktail jubilatoire d’action et d’aventures sur fond de colonisation japonaise, le tout avec un casting de première classe emmené par Kim Nam Gil. Découvrez notre critique de ce nouveau k-drama de Netflix.

Dans les années 1920, le peuple de Joseon est privé de ses terres et de ses biens par les colons japonais. Après avoir déserté l’armée japonaise, Lee Yoon (Kim Nam Gil) se rend à Jiandao, dans le nord-est de la Chine, pour rejoindre des hors-la-loi coréens organisés en bande pour protéger leurs familles. Il pense néanmoins encore à Nam Hee Shin (Seohyun), une jeune femme qui travaille à l’administration ferroviaire contrôlée par les Japonais, et qui semble dissimuler des secrets. Hee Shin est courtisée par un militaire coréen au service des Japonais, Lee Gwang Il (Lee Hyun Wook), qui voue à Lee Yoon une rancune grandissante. Eon Nyeoni (Lee Ho Jung) est une chasseuse de prime qui en veut mortellement à Lee Yoon.

Kim Nam Gil et Lee Ho Jung – Credit : Yu Ara/Netflix © 2023

La Corée sous le joug du Japon

Coproduction entre Studio Dragon, Urban Works Media et Baram Pictures pour Netflix, Song of the Bandits est écrit par Han Jung Hoon (Bad Guys) et réalisé par Hwang Joon Hyuk (Black Dog). Dotée de 9 épisodes disponibles depuis le 22 septembre 2023, la série a rencontré un joli succès, puisqu’elle s’est classée pendant deux semaines dans le top mondial des séries sur la plateforme. Et l’on comprend aisément pourquoi au vu des qualités artistiques de cette production à gros budget (30 milliards de wons, soit environ 21 millions d’euros), de sa capacité à nous embarquer aux côtés de personnages charismatiques, mais aussi de son décor historique – la colonisation japonaise – rarement dépeint dans les dramas.

Song of the Bandits n’est cependant pas le premier à explorer cette période. Rien que dans les années 2010, Bridal Mask mettait en scène un héros masqué au service du peuple de Joseon, Hymn Of Death s’intéressait au destin d’un dramaturge et d’une chanteuse soprano sous l’occupation et Mr. Sunshine racontait une histoire d’amour entre une Coréenne et d’un militaire américain à l’aube de la période coloniale. Récemment, Pachinko entremêlait deux récits ancrés à notre époque et dans la première moitié du 20e siècle.

Seohyun – Credit : Yu Ara/Netflix © 2023

Malgré la gravité du contexte, Song of the Bandits fait le choix assumé de se tourner vers le divertissement à la faveur d’une série de péripéties relevant parfois de la fantaisie, avec une touche plaisante de romanesque. Le générique du début – une nouvelle création du studio Undesigned Museum, qui réalise presque tous les génériques des k-dramas de Netflix – présente un à un les principaux protagonistes du drama dans une posture représentative de leur contribution à l’histoire. Le simili crayonné insuffle d’emblée à la série un ton très BD, qui se confirmera tout au long de l’histoire.

Fusillades et giclures de sang à volonté

Song of the Bandits débute maladroitement par un premier épisode un peu plombant (et trop long) centré sur les états d’âme de Lee Yoon, et qui se conclut par un véritable bain de sang. C’est à partir de l’épisode 2 que la série décolle véritablement et affirme sa singularité, ainsi que son appartenance au genre du western kimchi – une expression popularisée en 2008, lors de la sortie du film Le Bon, la Brute et le Cinglé, de Kim Jee Woon.

Nous voilà témoins, au début de l’épisode 2, d’un récit aux allures de légende destiné à introduire les acolytes de Lee Yoon en action. Véritable coup de maître narratif, cette scène nous familiarise instantanément avec ce petit groupe de bandits dont chaque membre possède une compétence spéciale – l’un tire à l’arc comme un as, les autres jouent de la hache, du fusil ou d’un physique imposant. On reconnaît au passage la patte du scénariste Han Jung Hoon, l’alchimie au combat entre ces bandits n’étant pas sans évoquer celle des criminels de la série Bad Guys.

A travers la quête de justice de ces hors-la-loi au grand cœur, Song of the Bandits dépeint une Corée mise plus bas que terre par la puissance coloniale japonaise, mais qui défend coûte que coûte son identité et ses terres. Chacun réagit à sa manière à cette situation désastreuse. Il y a les petites gens, qui restent impuissants face au pillage de leurs terres et de leurs biens. Il y a ceux qui résistent en rejoignant l’armée indépendantiste, et ceux qui s’organisent en bande pour protéger leurs familles, comme Lee Yoon et ses frères d’armes. Et il y a les collaborateurs comme Kwang Il, qui choisissent de vendre leurs compatriotes pour assouvir leur soif de pouvoir en croyant guérir de leurs frustrations personnelles.

Trouvant le juste dosage entre le sérieux et la légèreté, le récit accumule les scènes d’action de grande ampleur au fusil ou à l’arme blanche, sans jamais négliger le développement des enjeux dramatiques ni mettre de côté les personnages, qu’ils soient masculins ou féminins. Comme toujours dans les dramas coréens d’action, la violence atteint des sommets et le sang gicle à volonté, les combattants n’ayant aucun scrupule à découper en morceaux leurs adversaires. Une chose est sûre, on apprécie la volonté du réalisateur Hwang Joon Hyuk de délivrer de grandes scènes d’action, à la fois cathartiques et artistiquement ambitieuses – la photographie est splendide. Des scènes que le spectateur conquis par le show ne manquera pas de revisionner par la suite.

Seohyun et Lee Hyun Wook – Credit : Yu Ara/Netflix © 2023

On retiendra notamment la tuerie opposant Nyeoni et une horde de Japonais dans l’épisode 2 (qui fait un clin d’œil à Kill Bill avec les plans en ombre chinoise), la course-poursuite véhiculée dans le désert dans l’épisode 4, qui rappelle la scène phare du film Le Bon, la Brute, le Cinglé, ou encore le siège de l’auberge par l’armée de Kwang Il dans l’épisode 7. Les scènes d’actions sont soutenues par une bande son percutante, à commencer par le titre enlevé Bandits de Taeil (NCT) et le morceau rock Hitman de Seori.

Kim Nam Gil donne le ton

Kim Nam Gil (Through the Darkness) arbore une allure follement élégante en héros de western qui trouve une rédemption en défendant le peuple de Joseon. Imprimant à son personnage un mélange de force tranquille et de mélancolie, il est l’âme de la série, celui qui donne le ton. On adore aussi lorsqu’il dégaine son arme avec un style incroyable, entre fermeté et décontraction. Kim Nam Gil est également de ces acteurs qui excellent dans les face-à-face avec d’autres acteurs. Dans Song of the Bandits, il se livre à plusieurs joutes verbales tendues avec Lee Hyun Wook (Remarriage and Desires), intense et effrayant en collabo tourmenté qui se mue peu à peu en monstre.

Lee Hyun Wook et Kim Nam Gil – Credit : Yu Ara/Netflix © 2023

L’histoire prend une tournure romanesque lorsque Lee Yoon s’improvise chevalier servant de la belle Hee Shin, avec un zèle qui renvoie aux codes de l’amour courtois. La jeune femme qui fait chavirer le cœur du héros est interprétée avec beaucoup de grâce par Seo Hyun (Private Lives), dont la beauté classique sied parfaitement à son rôle. Loin de se résumer à sa relation avec le héros, Hee Shin prend aussi une part active dans l’histoire en s’infiltrant dans le camp ennemi comme une héroïne de film d’espionnage, ou en s’alliant avec une mercenaire le temps d’une opération audacieuse.

L’actrice Lee Ho Jung (Nevertheless), qui interprète la tueuse à gages Eon Nyeoni, s’impose quant à elle comme la révélation de la série et sa prestation ne devrait pas passer inaperçue. Il est toujours très difficile pour une actrice de s’imposer au milieu des acteurs et des cascadeurs dans les scènes de combat. Lee Ho Jung y parvient avec une assurance admirable et impressionne par la rapidité d’exécution de ses mouvements. Tout aussi douée dans les scènes de jeu, elle apporte également à son personnage un humour et un détachement qui pimentent la série.

Lee Ho Jung – Credit : Yu Ara/Netflix © 2023

Les interprètes des alliés de Lee Yoon forment un excellent casting d’ensemble, qu’il s’agisse de Yoo Jae Myung (Insider) en leader plein de sagesse et archer redoutable, Cha Chung Hwa (See You in my 19th Life) en baratineuse qui cache des trésors surprenants dans son auberge, et bien sûr Lee Jae Kyun (See You in my 19th Life), Kim Do Yoon (Taxi Driver 2) et Cha Yub (Insider), attachants dans leurs costumes de bandits arrivant toujours à point nommé pour sauver la mise.

Le dernier épisode de Song of the Bandits appelle clairement une suite. Netflix n’a pas encore confirmé le lancement d’une saison 2, mais le succès de la série devrait jouer en sa faveur. Pour notre part, nous espérons entendre une seconde fois le chant des bandits.

Elodie Leroy

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